Depuis mes 18 ans, j’ai été appelé aux urnes environ 30 fois, en moyenne 1 fois par an. J’ai voté par procuration depuis la Finlande, j’ai voté dans mon consulat à Abu Dhabi, j’ai voté dans l’école d’à-côté à Suresnes. J’ai voté pour 7 types de scrutins différents, j’ai été assesseur, j’ai porté les procurations d’autrui.

En 30 ans, je me suis abstenu une seule fois – mariage de ma sœur et pas facile de faire une procuration à l’époque.

J’ai voté, toujours, parfois blanc mais j’ai voté. Même dimanche aux cantonales, même si aucun binôme n’emportait vraiment mon adhésion, j’ai voté.

Pour des raisons ‘philosophiques’, pour des raisons de conviction, je reste persuadé jusqu’à aujourd’hui que le vote est la première façon d’exprimer nos souhaits pour la société, de défendre nos intérêts personnels, de construire la Cité que l’on souhaite. Parce qu’on ne peut protester si on n’a pas saisi la chance de donner son avis.

Quasiment 70% d’abstention dans mon canton, plus 5% de blancs. Les candidats qui seront présents au second tour ont recueilli 12% et 5% des voix des inscrits. Cela me désole bien sûr. Au-delà de la légalité, compliqué d’assoir une légitimité.

Mais qui pourrait se targuer de la contester ? Ceux qui n’ont pas voté ? Ceux qui ont laissé faire ?

Pas besoin d’être un génie pour constater que cette fois-ci, comme la précédente, et le coup d’avant, on entend politiciens et politologues pousser les mêmes chansonnettes : c’est la crise de la démocratie, les perdants ce sont les sondages qui ont eu tout faux, désamour et désaveu de la classe politique, finalement on a gagné (quel que soit le score, pensez au coq français qui chante sur son tas de fumier). En fait ils nous sortent la même rengaine à chaque fois et ne font rien, rien de bouge. Donc la dynamique de l’abstention se poursuit et permet encore plus à une caste de confisquer la démocratie.

Comment alors reprocher aux Français de ne plus voter quand, malgré les signaux répétitifs, la politique française ne se réinvente pas ? Si je regarde ma (ou plutôt mes) circonscription(s), les mouvements porteurs de renouveau trébuchent, ne changent rien, choisissent de faire de la politique d’autrefois. Les batailles d’investiture sont effroyables, les promesses trahies à la pelle, les campagnes pleines de coups bas et de diffamation, les changement d’étiquettes ou retournement de veste perpétuels et de tous bords. S’y frotter, c’est s’effarer. Plonger dedans, c’est boire la tasse. Et la flotte est salée !

Les partis, jeunes ou anciens, sont plus préoccupés de leurs magouilles d’appareil que de la voix de leurs adhérents. Préserver à des élus leurs viatiques, obtenir à un copain le poste qui va bien, c’est là le fonds de commerce actuel de nos politiques. Les partis ne représentent plus leurs adhérents et militants mais bien uniquement leurs élus, voire les intérêts de leurs élus. Le sursaut, la promesse de renouveau qu’a porté Emmanuel Macron n’a malheureusement pas été tenue entièrement. Un temps l’étiquette LAREM a été si attrayante qu’on a vu tout et n’importe quoi pour l’avoir, notamment à Suresnes aux législatives 2017 puis aux municipales.

S’il faut quitter un parti aux municipales pour avoir un poste d’adjoint, puis trahir sa nouvelle maison à la dernière minute pour avoir une investiture aux législatives, ça passe. Si ensuite on joue sa petite partition locale, différente de la partition nationale, ça passe. Si on garde une étiquette une fois sur deux, en fonction du vent qui souffle, ça passe. Si on prend une carte au dernier moment pour ensuite faire exclure les militants de longue date d’un parti, ça passe. Si un parti donne l’investiture à un gars que sa base a rejeté, ça passe. Si un élu revient sur ses promesses dans l’année, ça passe.  Marginaliser et mentir aux colistiers issus de la société civile, ça passe. Construire la politique du gouvernement en semaine pour la dézinguer sur internet le soir, ça passe. Promettre de moraliser la vie politique et enterrer l’essentiel du projet de loi, ça passe.

Et les partis s’étonnent ensuite du désamour des Français pour la politique, du taux d’abstention plus fort à chaque élection ?

Peut-on imaginer un remède pour que les citoyens reprennent le chemin des urnes ? On peut aligner les idées, à commencer par la réelle prise en compte du vote blanc – complexe mais pas irréalisable et préalable à un vote obligatoire.  Par provocation j’ai toujours dis qu’il faudrait avoir une carte d’électeur à jour des tampons pour avoir le droit de manifester. Une VIème République ? Certainement, il n’y a qu’à regarder du côté du processus électoral du Sénat pour se rendre compte de son archaïsme avec un système de grands électeurs qui finalement ne représentent que la coterie politique française et plus les Français. Une simplification de l’Etat bien sûr, qui passe par une simplification des institutions : commune, intercommunalité ou EPT, département, métropole, région… Les Français savent-ils encore qui fait quoi ? Une justice plus rapide et plus dure avec les dérives politiques, la chasse au népotisme : retrouver les « soutiens » de campagne employés par la mairie ne devrait pas être une généralité ! Cela ne sera possible qu’avec une vraie séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. J’ai appris à l’école que le fondement d’un régime démocratique était la séparation de ces trois pouvoirs. Or, en France, il n’y a pas de pouvoir judiciaire, seulement une « Autorité » enfin posée dans la Constitution de 1958 (premier pas, merci De Gaulle).

Mais surtout s’encourager encore et encore entre citoyens à se saisir, à se ressaisir de la chose politique, avec ou en dehors des partis, par l’engagement pour la société, pour la cité. Ne pas laisser la démocratie aux mains d’une classe politique devenue endogame, dynastique.

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